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CPF : au-delà de Qualiopi, maîtrisez les contrôles qualité EDOF de la Caisse des Dépôts

Organismes de formation : apprenez comment réussir les contrôles qualité du CPF et protéger votre activité. Au-delà de la certification Qualiopi, ce guide détaille les règles EDOF, la déclaration de service fait, les documents à fournir et les sanctions possibles imposées par la Caisse des Dépôts. Un indispensable pour comprendre les obligations et éviter le déréférencement.
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Contrôles qualité CPF : comprendre les exigences qui dépassent Qualiopi

Le Compte personnel de formation (CPF) est devenu en quelques années un véritable levier d’accès à la formation. Avec plus de 15 millions de titulaires actifs et des investissements publics massifs, la plateforme Mon Compte Formation (MCF) attire de nombreux organismes souhaitant proposer des actions éligibles. Beaucoup pensent toutefois qu’une certification Qualiopi suffit pour répondre aux attentes des financeurs. Or, les contrôles mis en place par la Caisse des Dépôts (CDC) dans le cadre du CPF sont plus larges et peuvent entraîner des conséquences lourdes (déréférencement, recouvrement des sommes, suspension de paiements). Cet article, destiné aux organismes inscrits sur le CPF, décrypte ces exigences afin de vous aider à anticiper et à sécuriser votre activité.

Un dispositif public avec des obligations propres

Depuis la loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la CDC est mandataire de l’État pour gérer les fonds du CPF. Elle est tenue, en vertu des articles L.6316‑3 et R.6316‑6 et suivants du Code du travail, de mettre en œuvre des contrôles visant à vérifier la qualité des formations financées. Ainsi, alors que la certification Qualiopi atteste du respect du Référentiel national qualité, la CDC dispose de son propre dispositif de contrôle pour s’assurer que les formations diffusées sur MCF respectent à la fois le droit du travail, les Conditions générales et particulières de la plateforme et le service fait.

La CDC a confié la réalisation opérationnelle de ces contrôles à un consortium composé d’Ernst&Young Advisory et de Sauléa Conseil. Un marché public a été conclu le 4 décembre 2024 et la mission a été formalisée par un mandat qui précise que les cabinets ont pour mission de vérifier, sur pièce et/ou sur place, une ou plusieurs actions de formation. Les contrôleurs sont habilités à prendre contact avec l’organisme, solliciter et analyser les pièces, accéder aux locaux et mener des entretiens. Il s’agit donc d’une démarche indépendante de l’audit Qualiopi : même un organisme certifié peut être contrôlé et sanctionné dans le cadre du CPF.

EDOF : un environnement réglementé

L’espace des organismes de formation (EDOF) est l’interface par laquelle vous gérez vos offres et vos dossiers sur MCF. Le Guide d’utilisation et de saisie EDOF rappelle que l’adhésion à la plateforme implique de respecter des obligations légales (articles L.6351‑1 et suivants du Code du travail) et d’appliquer les conditions générales et particulières. Ce document souligne que les règles énoncées visent à sécuriser les utilisateurs et à garantir un service public de qualité. Ne pas s’y conformer peut nuire à votre activité et à votre réputation.

Déclaration et validation du « service fait »

La notion de service fait est centrale dans la logique de financement du CPF. Elle conditionne le règlement par la CDC et constitue l’une des principales causes de suspension de paiement en cas d’anomalie. Le guide EDOF stipule que pour toute formation, l’organisme doit déclarer l’entrée et la sortie du stagiaire dans un délai de trois jours ouvrés. Ces déclarations, complétées du taux de réalisation, tiennent lieu de preuve du service fait. Pour les formations en ligne, le formateur doit attester la date d’entrée effective par un relevé nominatif de connexion et préciser que les simples tests de connexion ou l’envoi des modalités ne constituent pas une entrée en formation. 

Le guide précise enfin que la CDC peut contrôler le respect de ces obligations jusqu’à quatre ans après l’exécution. En l’absence de justificatifs demandés, elle peut suspendre le versement dû ou procéder au recouvrement des sommes indûment versées. Ces dispositions, inscrites dans les conditions particulières des organismes de formation, montrent que l’exigence de preuve est plus stricte, que pour les exigences de Qualiopi.

Un contrôle documentaire précis

Lorsqu’un contrôle standard est déclenché, l’organisme reçoit une lettre de notification qui rappelle les bases juridiques (articles L.6323‑9, L.6316‑3 et R.6333‑6 du Code du travail), précise que l’inscription sur MCF est conditionnée au strict respect des conditions générales et particulières et indique que le contrôle vise à améliorer la qualité des actions financées. Le courrier souligne que l’organisme est sélectionné aléatoirement et que la liste des dossiers contrôlés ainsi que les éléments probants à fournir seront envoyés par les cabinets mandatés. Selon les conclusions du contrôle, plusieurs issues sont possibles : des recommandations pédagogiques, une mise en demeure de régularisation, un contrôle complémentaire exhaustif, voire une déréférencement de la plateforme et le recouvrement des sommes perçues en cas de manquement grave.

Liste des justificatifs exigés

Afin d’apporter des preuves tangibles, la CDC et son prestataire ont établi une liste exhaustive des documents à fournir dans le cadre d’un contrôle standard. Ce document interne détaille les pièces à transmettre pour vérifier la conformité de vos actions :

  • Programme détaillé et référentiel de la formation : il faut fournir le programme, le référentiel de certification (pour les actions certifiantes), un tableau croisé entre le contenu et le référentiel de compétences et toute autre documentation permettant d’analyser les objectifs et les méthodes pédagogiques.
     

  • Supports et ressources pédagogiques : vous devez transmettre les supports utilisés (cours, présentations, vidéos, quiz, simulateurs), le déroulé pédagogique standard et individualisé, ainsi que les outils de suivi de la progression des stagiaires.
     

  • Compétences des formateurs : sont requis le CV des formateurs, leurs diplômes et certifications, ainsi qu’un fichier listant leur statut (CDI, CDD, sous‑traitant) et leurs numéros Qualiopi ou de déclaration d’activité. En cas de sous‑traitance, il faut aussi fournir les contrats et le processus de sélection des sous‑traitants.
     

  • Analyse des besoins et positionnement : la CDC demande le compte‑rendu des entretiens de positionnement avec les bénéficiaires, la preuve de la vérification de la dimension professionnelle de leur projet et les tests d’évaluation ou bilans de connaissances en amont.
     

  • Suivi et évaluations : des bilans intermédiaires (pour les formations de plus de 3 mois), les preuves de vérification des prérequis et les outils d’auto‑évaluation doivent être transmis.
     

  • Preuves administratives et financières : factures, grille tarifaire, devis, justificatifs de communication des modalités pratiques (convocations, mails), supports marketing, lien vers la page web de la prestation et bilan pédagogique et financier de l’organisme.
     

  • Organisation interne : l’organigramme de l’organisme, le CV du responsable pédagogique et tout document attestant de la mise en place d’un processus qualité des sous‑traitants sont requis.
     

Cette liste illustre la granularité des éléments demandés : le contrôle CPF ne se limite pas à vérifier l’existence d’un certificat Qualiopi, il évalue votre capacité à justifier chaque étape du parcours de formation et à démontrer votre respect des engagements pris sur la plateforme

Exemple de vérification de service fait

Le contrôle du service fait est l’une des premières étapes réalisées par la CDC avant de régler une action CPF. Un courriel type, transmis par la CDC à un organisme de formation (extrait d’un dossier réel), détaille les justificatifs attendus : programme, documents remis au stagiaire, preuves d’atteinte des jalons pédagogiques, logins et relevés de connexion pour les formations à distance, justificatifs des travaux réalisés, documents d’identification et de compétence des formateurs. L’organisme doit également fournir les preuves d’accompagnement (relances, assistance technique et pédagogique), les attestations d’assiduité, les contrats de sous‑traitance et l’attestation de passage de la certification lorsque celle‑ci est prévue. Le courriel rappelle que ces pièces doivent être envoyées sous cinq jours ouvrés, et qu’un retard ou la fourniture de pièces non probantes entraîne la suspension du paiement. 

Cet exemple démontre que la CDC n’accepte plus les déclarations de bonne foi : tout service fait doit être documenté. Les organismes qui travaillent avec des sous‑traitants doivent mettre en place des procédures rigoureuses pour récupérer ces preuves et s’assurer qu’elles sont disponibles à tout moment.

L’autoévaluation qualité : un outil pour se préparer

En mars 2025, la CDC a lancé une campagne de contrôles qualité en application des articles L.6316‑3 et R.6316‑6 du Code du travail. Pour accompagner les organismes, elle a publié un guide d’autoévaluation à la qualité. Ce document explique que l’évaluation repose sur 17 critères répartis en trois thématiques :

  1. La qualité de l’action de formation. Les contrôleurs vérifient la clarté des objectifs, l’adéquation des moyens pédagogiques, l’adaptation au référentiel pour les formations certifiantes, et la cohérence du prix.
     

  2. Les conditions de réalisation. Le guide invite les organismes à vérifier qu’ils disposent d’un programme clair, qu’ils adaptent la durée et la taille des groupes, que les ressources pédagogiques sont à jour et accessibles, que le matériel est adapté, et qu’ils disposent de solutions en cas d’aléas.
     

  3. L’adéquation avec le projet professionnel des bénéficiaires. L’organisme doit prouver qu’il réalise un positionnement individuel, qu’il suit la progression et l’assiduité des stagiaires, qu’il mesure la satisfaction des apprenants et qu’il organise des sessions d’évaluation intermédiaires et finales.
     

Le guide propose une liste de questions à se poser afin de vérifier la conformité de chaque offre : objectifs mesurables, adaptation au référentiel, qualification des formateurs, assistance technique, modalités adaptées aux personnes en situation de handicap, cohérence des prix, etc. Il rappelle également l’importance de fournir des éléments de preuve pour chaque exigence. Ce travail d’autoévaluation permet de repérer les écarts et de mettre en place les actions correctives avant un contrôle.

Les conséquences d’un manquement : déréférencement, recouvrement et réputation

Le courrier de notification de contrôle rappelle que l’organisme peut faire l’objet d’une mise en demeure ou d’un contrôle exhaustif si des manquements sont constatés. En cas de faute grave, la CDC peut décider de déréférencer tout ou partie du catalogue de l’organisme et de recouvrer les sommes perçues indûment. Il s’agit de mesures particulièrement impactantes puisque la présence sur MCF permet de toucher un large public et de sécuriser des financements. 

Outre ces sanctions financières et commerciales, un contrôle non satisfaisant altère la réputation de l’organisme. Les conditions particulières de MCF précisent que la CDC peut communiquer à d’autres financeurs publics les conclusions d’un contrôle, ce qui peut avoir des répercussions sur d’éventuels financements régionaux ou sectoriels. 

Il est également important de rappeler que la vérification peut intervenir a posteriori. L’article 5.1.2 des conditions particulières stipule que la CDC peut contrôler la conformité des formations jusqu’à quatre ans après la fin d’exécution. Ainsi, un organisme qui néglige l’archivage de ses pièces justificatives s’expose à un recouvrement même s’il a déjà perçu les fonds. La prudence veut donc que chaque dossier CPF fasse l’objet d’une conservation systématique des documents.

Bonnes pratiques pour réussir son contrôle CPF

Pour éviter les mauvaises surprises et transformer le contrôle en opportunité d’amélioration, voici quelques recommandations :

1. Mettre en place un système documentaire rigoureux

Conservez dès le début de la formation toutes les pièces réclamées par la CDC : programme, mails de convocation, relevés de connexion, attestations d’assiduité, évaluations, documents remis au stagiaire, etc. Créez des dossiers numériques identifiés par le numéro de dossier MCF pour faciliter la recherche. 

2. Formaliser la gestion des sous‑traitants

Si vous faites appel à des formateurs indépendants ou à des centres partenaires, établissez des contrats clairs et demandez-leur les justificatifs nécessaires (CV, diplômes, Numéro Qualiopi, NDA). Assurez-vous de disposer d’un processus de sélection et d’un suivi qualité. En cas de sous‑traitance « en cascade », la CDC peut considérer que vous perdez la maîtrise de la prestation, ce qui est sanctionnable.

3. Réaliser un positionnement systématique et individualiser les parcours

Avant de former un stagiaire, réalisez un entretien de positionnement pour identifier ses besoins et vérifier la pertinence de la formation. Conservez le compte‑rendu et les tests d’évaluation. Adaptez le déroulé pédagogique à chacun et prouvez votre capacité à personnaliser votre offre. 

4. Documenter l’atteinte des objectifs

Fixez des jalons pédagogiques et des évaluations régulières, y compris pour les formations en distanciel. Les relevés de connexion seuls ne suffisent pas : vous devez démontrer que le stagiaire a bien réalisé les activités et obtenu les compétences visées. Préparez un document synthétique indiquant les progressions, les résultats des évaluations et les ajustements opérés.

5. Maîtriser l’administration sur EDOF

Renseignez les offres et les dossiers avec précision : intitulé clair, objectifs mesurables, modalités, durée, prix cohérent. Respectez les délais d’inscription et de saisie. Assurez-vous que vos déclarations d’entrée et de sortie sont effectuées dans le délai de trois jours ouvrés et que vous disposez des documents à l’appui. Toute information erronée ou incomplète dans EDOF peut être assimilée à une fraude.

6. Se préparer au contrôle qualité

Utilisez le guide d’autoévaluation pour auditer vos propres pratiques. Répondez honnêtement aux questions proposées et mobilisez vos équipes pour combler les écarts identifiés. Si vous proposez des actions certifiantes, vérifiez que votre programme respecte le référentiel et que vous informez sur les taux de réussite et les suites de parcours. 

7. Anticiper les sanctions et y répondre

En cas de contrôle, répondez rapidement et fournissez toutes les pièces demandées dans les délais indiqués. Si les conclusions sont défavorables, prenez connaissance des recommandations et mettez en place un plan d’amélioration. La transparence et la coopération avec les contrôleurs peuvent éviter un déréférencement. 

Qualiopi vs contrôles CPF : complémentarité plutôt qu’opposition

Certains organismes considèrent que la certification Qualiopi suffit pour accéder au CPF. Il est vrai que Qualiopi atteste du respect d’un référentiel national sur sept critères de qualité. Cependant, Qualiopi vérifie principalement l’existence et la formalisation des processus. À l’inverse, le contrôle CPF va jusqu’à vérifier l’exécution concrète de chaque action, l’adéquation aux besoins du stagiaire et la conformité aux obligations administratives et financières. 

Le CPF ne porte donc pas explicitement le nom de Qualiopi, mais il en partage la philosophie : améliorer la qualité de la formation. La CDC, en s’appuyant sur des cabinets externes, vérifie que la réalité de la prestation correspond aux engagements pris, que la promesse commerciale est tenue, et que les fonds publics sont utilisés à bon escient. Les entreprises qui fondent leur stratégie uniquement sur la possession d’un certificat Qualiopi risquent de négliger ces aspects et de s’exposer à des sanctions. 

Conclusion : un enjeu de professionnalisation

Le CPF représente une opportunité majeure pour les organismes de formation. Toutefois, cette opportunité s’accompagne d’un niveau d’exigence élevé. Les contrôles opérés par la CDC, via Ernst&Young et Sauléa, s’appuient sur des textes légaux et des conditions contractuelles, et portent sur l’ensemble de vos pratiques : administrative, pédagogique et financière. Les pièces justificatives demandées, les critères d’évaluation et les conséquences en cas de manquement montrent que la CDC adopte une approche systémique, loin d’une simple vérification documentaire. 

En adoptant une gestion rigoureuse des dossiers, en documentant l’ensemble du parcours et en vous appuyant sur le guide d’autoévaluation, vous transformerez les contrôles en leviers d’amélioration. À terme, cela renforcera la confiance des bénéficiaires et vous permettra de développer une activité durable sur Mon Compte Formation. Au-delà de Qualiopi, la clé réside dans la transparence et la qualité de vos prestations. Les organismes qui intégreront ces exigences sortiront renforcés et pourront ainsi contribuer pleinement à la montée en compétences des actifs.